POURQUOI JE SUIS CONTRE

Ils sont jeunes, beaux, souriant, ils ont un discours charmeur et consensuel. Ils se sont ces nouveaux ultras libéraux qui sous couvert de co-partage, de co-construction de co-etc n’ont qu’un objectif officiel : redonner du pouvoir d’achat au consommateur. Lequel serait la victime de méchants monopoles mercantiles qui les pompent jusqu’à plus soif.

Si le discours officiel est alléchant, l’objectif non-dit  est tout autre, il s’agit de prendre le contrôle du marché qu’ils convoitent et de contourner toutes les règles sociales pour leur seul profit.

Dans le cas de notre profession il faut permettre aux enseignants de devenir indépendants de les libérer de la relation avec l’entreprise école de conduite.

Pour cela nos jeunes ambitieux expliquent aux moniteurs qu’en se libérant de la tutelle de patrons qui les exploitent, en se libérant des chaînes du salariat, ils gagneront plus d’argent. Et ce n’est pas tout ! Le consommateur sera gagnant car il paiera moins cher les leçons de conduite.

Résumons : le consommateur serait gagnant en payant moins cher, le moniteur est gagnant du fait qu’il gagnera plus, et eux ne prendront que 20% du prix.

20% du prix cela peut paraitre peu, mais si ils vendent 100 fois une heure à chaque heure et si ont calcul sur la base d’une leçon à 34€, faites le calcul de leur prix horaire… Et ils n’ont pas de frais car tous les frais les plus lourds sont transférés aux moniteurs indépendants.

Mais alors, dans ce système nouveau et idéal, il n’y aurait pas de perdant ? Les prix baissent et il n’y aurait pas de perdant !

Ces gens sont formidables, de vrais magiciens de l’économie.

A moins qu’ils ne soient for-minables et de vrais pipeauteurs ?

Les barbares attaquent…

Regardons ce qui se passe du côté des taxis et du gentil Uber qui sauve les consommateurs. Notez que le patron d’UBER est très riche, lui.

Voilà que dans ce nouveau système paradisiaque les chauffeurs découvrent une facette qui n’étaient pas visible : l’exploitation, les conditions de travail déplorables, les renvois sans considération, etc.

Ce qu’ils n’avaient pas compris au départ c’est qu’ils ne sont plus salariés, ils sont indépendants, donc le code du travail ne s’applique pas. De plus s’ils ont un statut d’indépendant, ils ne le sont pas réellement car la clientèle passe par la plateforme Internet qui distribue le travail… Ils’agit donc très souvent d’un détournement du statut d’auto-entrepreneur et du statut d’indépendant.

Travailleur indépendant

Courrier-Préfecture-de-lAllier-sur-auto-entrepreneur-et-travailleur-indépendant

Le travailleur indépendant n’est pas lié par un contrat de travail avec l’entreprise ou la personne pour laquelle il exécute sa mission. En pratique, il travaille pour son propre compte.

Est présumé travailleur indépendant celui qui remplit l’une des conditions suivantes :

• Être immatriculé au titre de son activité auprès d’un organisme d’affiliation (registre du commerce et des sociétés (RCS), répertoire des métiers, registre des agents commerciaux, Urssaf),
• Être dirigeant d’entreprise,
• Exercer une activité commerciale relevant du régime micro social,
• Fixer soit-même ses conditions de travail à moins qu’elles ne soient définies par le contrat qui le lie au donneur d’ordre.

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La question de l’application de ces méthodes à notre profession est donc posée. Car ce sont les mêmes méthodes que nous proposent nos jeunes ambitieux souriants. Indépendance des moniteurs, notation par les élèves etc.

Que se passera-t-il lorsqu’un moniteur sera mal noté par les élèves ? Sera-t-il éliminé du système ? Sera-t-il soutenu et encadré ?

En fait il est probable que ce moniteur sera supprimé de la plateforme et donc ne pourra plus travailler. Il découvrira alors qu’il n’a pas le droit au chômage puisqu’il est indépendant, il devra continuer à payer sa voiture et tous les frais afférents à son activité , il continuera à devoir payer le RSI, etc, il n’aura plus de chiffre d’affaire et donc pas de revenus. Il sera dans une situation intenable. Quant aux prud’hommes, il peut oublier, car n’étant pas salarié il ne pourra pas y lancer un recours.

Au sujet de ces notations pas des élèves je dois dire que je suis assez sceptique et perplexe. Sans prétention aucune je crois connaitre assez la profession pour savoir comment la plupart des élèves évaluent leur moniteur. A la question posée la réponse est souvent la même : « il est gentil », ou il ne l’est pas.

Or même s’il doit être cordial et correct envers ses élèves la première qualité d’un enseignant doit-elle être la gentillesse ? J’ai vu trop souvent de « gentils moniteurs » qui en fait n’apprenaient rien aux élèves et se contentaient d’être gentils. En final l’élève prend bien plus de leçons qu’avec un enseignant qui le fait travailler sérieusement.

Avec une telle notation telle qu’elle est envisagée par nos jeunes ambitieux, nous devons nous poser la question du devenir de ceux qui seront mal notés et surtout de la pertinence des notes.

Certains diront qu’après tout les « mauvais » moniteurs seront ainsi éliminés. Pas si sûr ! En effet comment définir le bon ou le mauvais moniteur ? Par l’appréciation de l’élève ? Lequel, nous le savons, n’est pas très objectif.

Et comme cela ne suffit pas il y a la promesse de pouvoir prendre des leçons 7j/7 sans contraintes horaires. Évidemment voilà encore un frein à l’activité, ces foutus horaires de travail qui font obstacle au développement de l’entreprise. Pas de problème ! Comme le moniteur n’est plus salarié il a le droit de travailler tous les jours et autant d’heures qu’il le souhaite. Super pour les clients, mais surtout pour le site Internet qui est le donneur d’ordre. Quant au moniteur est-il vraiment libre ?

Et pour le consommateur qui est ravi d’une telle opportunité faut-il lui rappeler qu’il est aussi, sans doute, un salarié, et que demain il deviendra aussi un indépendant car le système l’y obligera. Alors il aura bien profiter en tant que consommateur et il deviendra ensuite un exploité car c’est bien le sens de cette évolution.

Au delà de ce problème le vrai danger se trouve dans l’attaque du système social. Système basé sur la solidarité, sur les droits et devoirs des uns et des autres. certes cela peut paraitre contraignant, surtout aux yeux des ultras libéraux qui prônent la liberté totale, mais ce système permet de réguler le système en apportant un minimum de garanties à tous.

Alors nos jeunes ambitieux qui veulent révolutionner notre profession gagneront certainement beaucoup d’argent s’ils arrivent à leurs fins, les perdants seront les salariés qui auront acceptés de devenir indépendants et l’ensemble du système social.

Et je ne suis pas certain que le consommateur s’y retrouve.

Notre système social a un coût, mais il nous faut le défendre sans relâche.

Ce que nous proposent ces nouveaux libéraux n’est autre que la paupérisation d’une population pour que eux puissent s’enrichir. C’est un nouveau partage des richesses qui se fait encore plus au profit d’une minorité et aux dépends d’une masse importante de la population.

Alors quand je vois ce qui s’est dit au Sénat, que le moniteur indépendant est une évolution inexorable (cela a été dit par l’UMP comme par la gauche), je me pose la question de l’action politique.

Est-ce que l’organisation de la société est faite selon la volonté des marchés et de la finance, ou selon l’intérêt général dont les politiques sont censés être les garants ?

Déclaration caustique du Général Charles de Gaulle à propos de la politique économique de la France, à l’occasion d’une conférence de presse à l’Elysée, le 28 octobre 1966.

Un mot de la Bourse puisque vous m’en parlez… La Bourse, en 1962, était exagérément bonne, en 1966, elle est exagérément mauvaise, mais vous savez, la politique de la France ne se fait pas à la corbeille

Il est à craindre que cela soit bien différent aujourd’hui.

Heureusement les règles existent encore et l’UNIC se chargera de les faire respecter quitte à aller devant les tribunaux.

Alors le permis pour tous ?  Sans doute.

Mais l’argent pour eux certainement !