Je vais préciser ma pensée sur l’avenir de notre profession. Avenir qui ne peut se dissocier des conséquences économiques générales consécutives à la pandémie.
Tout d’abord il faut être conscient que toutes les aides apportées par l’État aux entreprises se paieront à moyen et long terme. Il n’y a pas d »argent gratuit et cette situation va entraîner des changements de fonctionnement dans les entreprises et dans tous les secteurs d’activités. Il y aura des perdants et des gagnants c’est toujours comme ça.
Les spécialistes disent que nous risquons de perdre près de 50% des TPE et PME quel que soit le secteur d’activité. Ceci va donc entraîner un chômage de masse et de longue durée. En effet si le tissu de PME et de TPE se réduit il n’y aura plus assez d’entreprises pour embaucher ces chômeurs. Nous allons donc vers un appauvrissement général de la population, je dirais même de la population mondiale.
L’économie va donc s’adapter et se réinventer.
Prenons le cas des restaurateurs et du tourisme. Ils vont être aidés, bien plus que d’autres qui ont aussi été fermés par décision administrative. Mais pourront-ils reprendre leur activité comme avant ? Certainement pas, peut-on imaginer des salles de restaurants bondées avec des tables collées les unes aux autres ? Bien sûr que non. Ce qui signifie que le restaurateur va devoir réduire d’environ 50% le remplissage de sa salle de restaurant, ce qui implique une baisse d’autant de son chiffre d’affaire. On imagine alors deux choses, il devra réduire ses effectifs, et il n’est pas certain que cela suffise pour supporter ses charges fixes. C’est pourquoi malgré les aides annoncées il est probable que beaucoup disparaîtront.
D’autant plus que si nous allons, ce qui est inéluctable, vers un appauvrissement général de la population, donc vers un pouvoir d’achat réduit, les prix ne pourront pas augmenter.
Ce qui s’applique aux entreprises des métiers de bouche s’appliquera aussi aux autres.
Nous allons vers une contraction de l’économie, chacun devra faire des choix de consommation et chacun cherchera à payer le moins possible, c’est une réaction logique dans un contexte d’appauvrissement. Dans un tel contexte une augmentation des prix n’est guère envisageable. Or la profession part avec un lourd handicap sur ce point car ses tarifs sont déjà trop bas.
Pour revenir à notre profession, je ne veux pas croire que le gouvernement profite de la situation pour liquider les écoles de conduite, je ne lui ferai pas ce procès d’intention. Essayons de voir les choses avec pragmatisme.
Sur les aides, il n’y pas d’aides sans contrepartie et même pour les métiers de bouches il n’y a pas d’aides pour tous et il y aura des fermetures. La première question que je me pose porte sur les prêts garantis par l’État. Parmi tous les collègues qui ont pris ce crédit, combien avaient les moyens de s’endetter de la sorte avant le confinement ? Soyons lucides ceux qui avant n’avaient pas les moyens, avant, ne les auront pas plus après, donc il est fort possible que ce crédit ne soit rien d’autre qu’un poids trop important qui coulera l’entreprise.
A mon avis il y aura, dans un premier temps, des écoles de conduite qui ne repartiront pas après le confinement, j’imagine environ 15% de la profession. Ces fermetures peuvent avoir un effet d’aubaine pour ceux qui reprendront, mais il risque d’être de courte durée. Dans un second temps environ 15% de plus fermeront car ils ne pourront pas faire face au crédit. Et surtout l’économie de nombreuses écoles de conduite est basée sur : le turn over d’élèves en fonction des examens, or des examens il y en aura moins, ce qui va ralentir l’activité, que ce soit en moto ou en B, deuxième point beaucoup font de la trésorerie non pas sur la rentabilité mais sur l’avance des clients. Beaucoup de TPE et PME vivent grâce à l’encaissement d’avance. Or s’il y a ralentissement de l’économie, appauvrissement général, chômage de masse et moins d’examens l’encaissement d’avance risque fort de se réduire aussi. Ainsi nous aurons d’ici un an encore 20% des entreprises qui fermeront. Nous allons perdre pas loin de 60% de la profession en un an. J’espère sincèrement me tromper.
Il y a un autre facteur aggravant c’est que si les entreprises ferment, les salariés seront au chômage, une partie d’entre eux tentera de profiter le plus longtemps possible de cette situation, mais une autre partie, et à terme tous les chômeurs, cherchera du travail. Si les écoles encore ouvertes ne les embauchent pas, ils risquent fort de choisir auto-entrepreneuriat et donc de travailler pour des plateformes, lesquelles les attendent les bras ouverts. C’est le coup de grâce à la profession. Il ne s’agit pas là d’une volonté politique mais d’une des conséquences de l’effondrement de l’économie. Chacun cherchant des moyens de subsister.
Notre modèle de minis entreprises atomisées a sans doute un avantage en terme de maillage du territoire, mais il est économiquement peu fiable. Face aux plateformes nous devons nous réinventer.
Les grincheux pourront toujours crier que c’est la faute à macron et à nos politiques, que les syndicats n’ont rien fait etc. Cela ne changera rien.
« A l’entrée de l’abattoir les petits cochons, gigotent, gigotent, ils n’en finissent pas moins en boîte de conserve. » Charles de Gaulle
L’heure n’est pas aux jérémiades, l’heure est à la remise en question. La profession doit saisir ce moment de crise pour en faire une opportunité de changement et d’adaptation. Je suis certain que si la profession montre sa volonté de changement le gouvernement suivra, dans ce contexte c’est possible. Si nous prouvons que nous n’attendons pas tout de l’État mais qu’au contraire nous sommes capables de nous auto gérer.
Bien sûr il faut reprendre le travail, mais il serait irresponsable de le reprendre et de faire comme si de rien n’était et de tout recommencer comme avant.
Mais pour cela il faut des gens de volonté, d’esprit ouvert et imaginatifs pour emmener la profession vers d’autres concepts, la profession n’a pas besoin de pseudos conservateurs qui lui disent que tout ira bien et qu’ils les protégeront. Il n’y a pas de protection en dehors de notre volonté d’aller de l’avant et de nous réinventer.
En 2006 il fallait réformer, la profession ne l’a pas voulu, son conservatisme est son premier danger, il est urgent d’imaginer une nouvelle organisation, de nouvelles pratiques. Faute de quoi les plateformes se feront un plaisir de prendre le marché.
Ce n’est pas avec des masques et des gels-hydroalcoolique que la profession survira, on ne soigne pas un cancer avec de l’aspirine.
Sortir de sa zone de confort est toujours douloureux !
Tout à fait.
Ce qu’il nous manque dans cette profession, c est une voix, et on la suit, on se met tous ensemble derrière et on devient plus fort.
Bonjour,
merci pour cette vision réaliste et ce remontage de bretelles: il est grand temps de se secouer les puces et d’être imaginatifs.
Je propose; à creuser, bien sûr; ce n’est qu’une « piste »!
On a des problèmes de gestion; un marché aux contours non connus à ce jour; et d’autre part, un maillage dont la force est l’implantation locale. Si nous changions les structures juridiques -> est ce que le fait de posséder 1% autorise à travailler le dimanche? Pas pour gagner plus; mais pour élargir l’offre des créneaux horaires; et « retenir » les salariés. Un effort « collectif » de la structure peut aussi apporter un faible ballon d’oxygène (je ne me fais pas d’illusions!).
Bon courage à tous; seule l’adaptation nous sauvera; ne soyons plus de la race des dinosaures!
La période sera sans doute difficile mais partir du principe que la crise doit nous empêcher de revoir nos tarifs à la hausse et, à mon avis, une énorme erreur. Covid ou pas nos loustics ne vont pas se priver de dépenser plusieurs milliers d’euros pour s’acheter une voiture une fois qu’ils auront trouver le permis trop cher. Quant aux plateformes, elles souffrent autant que nous, si ce n’est plus. Leur bénéfice sont très loin d’amortir leur dette, il leur sera difficile d’effectuer une nouvelle levée de fonds. Beaucoup d’auto entrepreneurs vont faire les frais de cette crise et il n’est pas certain qu’ils seront là à la reprise. Sans compter le fait que les places d’examens risquent de se faire rares…
A mon sens le métier doit se réinventer, c’est clair mais si par peur que le ciel nous tombe sur la tête, nous refusons de voir que notre seule porte de sortie est de sortir de cette spirale infernale des prix bas que nous pratiquons sans aucun succès depuis plus de 30 ans, autant deposer le bilan tout de suite.
Endentons nous bien. je ne dis pas qu’il ne faut pas augmenter les tarifs ce sera souhaitable. Mais je connais la profession et déjà certains annoncent des remises et des promos, de plus si le pouvoir d’achat des français baisse ils n’iront pas dépenser de l’argent dans nos entreprises, pas plus qu’avant. En plus l’administration, dont nous savons bien que la DDGCRF nous a fait énormément de mal avec les frais d’accompagnement ne nous sera pas plus sympathique après qu’avant. Alors oui il faut des prix qui permettent une rentabilité, car c’est aussi parce que les prix sont trop bas que beaucoup ne vont pas s’en sortir. Espérons donc que les exploitants qui resteront sauront profiter d’une moindre concurrence pour rattraper le retard, ce qui est rare est cher…
Nous sommes d’accord, de toutes façons celui qui fera des promos et autres âneries se passera la corde au cou et, quelque part, tant mieux ça fera un peu le ménage.
Quant à savoir si les gens viendront ou pas chez nous si leur pouvoir d’achat est en baisse (pure spéculation), c’est l’éternel problème de notre corporation et il n’a pas fallu attendre le covid pour ça. Je reviendrai toujours sur le fait que la profession n’a eu de cesse de tirer les tarifs vers le bas par peur de ne plus avoir d’élèves-clients, mais jusqu’à preuve du contraire baisser nos prix n’a jamais crée un afflux durable d’élèves-clients chez qui que ce soit. Au bout de quelques semaines les concurrents s’alignent et c’est à nouveau le statut quo, sauf pour la profession qui perd gros à chaque fois. Cette dynamique mortifère a favorisé l’émergence des pratiques douteuses qui ont ruiné notre image et favorisé l’apparition des plateformes. Le permis est indispensable, prix bas ou élevé ça ne fera que peu de différence. Je vais paraître vénal mais nous ne sommes pas des samaritains et nous avons peut-être ici l’occasion de mettre un coup de boost a nos tarifs et il serait dommage de rater le train qui passe. Il va falloir réagir car rien ne dit que d’ici qqs mois l’Etat ne sera pas dans l’obligation d’imposer un nouveau confinement si le virus revient en force. Sans pouvoir se constituer une trésorerie de réserve, ça en sera fini pour de bon. C’est une question de survie.
Sans compter qu’avec tout l’argent distribué, nous risquons d’avoir de nouvelles taxes ou, à minima, des hausses de toutes sortes. Il va falloir passer à la caisse et ça sera impossible sans augmentation des tarifs.
Je partage ton analyse mais le plus gros problème c’est la.profession elle-même.
Il.faut juste se rappeller les sarcasmes sur les simulateurs. Alors que la plupart n en a pas et parle sans savoir .
Idem pour le label. Le datadock bref tout ce qu ils n avaient pas auparavant est par défaut mauvais.
Tu as raison le premier danger c’est le conservatisme de la profession. Conservatisme alimenté par des discours du genre « ne vous inquiétez pas le……vous protège ». on l’a vu aussi en 2006 quand on a rédigé « auto-ecole-autrement ».
Tout à fait ce sont ces freins aux changements qui nous empêchent d évoluer avec la société et qui par conséquent nous portent préjudice
Tout à fait d’accord avec Carnette Eric. Il ne s’agit plus de se défendre mais d’attaquer et c’est en annonçant une forte hausse des tarifs auto-école au grand public que le gouvernement nous entendra. Je veux bien que l’on se remettent en question mais toutes les solutions proposées comme le simulateur ne sont pas accessibles à tous. Je crois plus en l’automatique, d’autant que peu d’enseignants auto-entrepreneurs le font pour l’instant. Il est impératif que l’on soit très réactifs car effectivement si on est nombreux à fermer et licencier, faute de mieux les chômeurs se tourneront vers les plateformes. Je remarque parmi mes élèves qu’il n’y en a même pas 50 % d’entre eux qui sont capables d’avoir le code seul en travaillant sur internet. J’ai renforcé mes cours de code par des stages de 4 jours avec des outils ludiques que nous avons créés nous même parce que nos fournisseurs pédagogiques ne proposait rien de concret. Les élèves ont vu de suite la différence. Le fait d’avoir été obligés de s’endetter pour continuer à préserver les emplois comme nous l’a demandé le gouvernement justifie pleinement cette hausse. À nous d’en profiter dès maintenant pour être crédibles. La clientèle le comprendra très bien et ce sont les aides au permis qui doivent être revues à la hausse. Cela fait plus de 15 ans que l’aide Pôle Emploi s’élève à 1200 €. Si une hausse importante est annoncée dans les médias, ceux qui voulait faire des promos augmenterons moins que les autres mais augmenterons quand même. À mon avis il faut oser, qui ne tente rien n’a rien.
Je crois que nous connaissons bien la profession pour savoir qu’une forte augmentation des tarifs par un grand nombre d’écoles de conduite relève plus de l’utopie que d’une possibilité réelle. Il suffit de lire ce qui se dit sur les réseaux sociaux, certains annoncent déjà des promos.
Bonjour Philippe,
cela rejoint les longues discussions que nous avons eu sur la profession et son avenir !
Par contre personne n’avait prévu ce virus et l’accélération exponentielle de nos conclusions.
C’est encore une fois une fine analyse, qui fait ta force.
Comme toi, j’espère que tu te trompes, mais malheureusement je n’y crois pas.
Bien amicalement,
Thierry.
Mettons la force et l’énergie au service de cette profession qui nous a temps donné. Apportons la valeur ajoutée qui lui manque.